En Grèce, les lentilles de l’austérité | Slate
Constantinos Polychronopoulos cuisine des lentilles. Ce n’est pas son vrai métier, mais c’est mieux que rien en ces temps de crise. Depuis qu’il a été renvoyé de sa société de marketing il y a 3 ans, il n’a pas retrouvé de véritable emploi.
Il a donc ouvert une soupe populaire itinérante qui circule dans tout Athènes pour nourrir les pauvres et les affamés. Constantinos récolte les dons de lentilles –phakes (fa-kess) en grec– qu’il fait cuire avec des tomates, des oignons et des feuilles de laurier dans une grande marmite, afin de concocter un plat épais et nourrissant. «Ce n’est pas l’aumône, nous dit-il en servant son plat dans des tasses en polystyrène. C’est un dîner commun entre amis. Nous sommes tous dans le même bateau et nous mangeons tous ensemble.»
Le cliché habituellement véhiculé sur la Grèce moderne est celui d’une famille heureuse trinquant autour d’une table chargée d’agneau grillé, de feta, de plats d’aubergines, de salades de tomates à l’huile d’olive et de desserts au miel.
On ne montre pas les personnes qui se battent pour un chou gratuit, qui ouvrent un frigo désespérément vide ou qui récupèrent les oranges invendables sur les marchés en plein air. On ne montre pas non plus la soupe de lentilles gratuite. D’un seul coup, l’avenir commence à ressembler au passé.
La Grèce est en récession depuis 2008, mais les vrais problèmes ont débuté en 2009, après une déclaration du gouvernement révélant que le pays était complètement asphyxié par la dette publique. Vint ensuite le temps des mesures d’austérité strictes en échange d’un renflouement des caisses par des prêts de plusieurs milliards d’euros. Ces trois dernières années, l’économie s’est quasiment effondrée: le taux officiel du chômage a pratiquement triplé pour atteindre 27%. Plus de 60% de ces chômeurs grecs sont sans emploi depuis au moins un an.
Ceux qui ont toujours leur travail, même s’ils ont vu leur salaire diminuer d’un tiers ou plus, s’estiment chanceux. Ils n’achètent toutefois plus trop de côtelettes de porc ni de gouda d’importation, comme ils le faisaient en des périodes plus favorables. Ils sortent aussi moins souvent au restaurant. A la télévision, les émissions de «cuisine à petits prix» se sont multipliées.
Dans l’une d’elles, un chef souriant et rondouillard apprend aux téléspectateurs à préparer cinq repas avec entrée/plat/dessert pour seulement 50 euros par semaine. Il faut également parler du succès du livre de cuisine Les recettes de la faim, recueil de conseils donnés par des Grecs ayant survécu à la famine de la Seconde Guerre mondiale (exemple: conserver vos miettes de pain dans un bocal pour les manger plus tard)…